On le sait : avec des « si », on mettrait Lorient et New York en bouteille. Mais si la bouteille avait la forme d’un anticyclone ? Si cet anticyclone mettait un coup d’arrêt à la cavalcade d’Ambrogio Beccaria ? S’il permettait à Ian Lipinski, premier des poursuivants, de recoller au skipper italien, qui sera le premier arrêté par la panne de vents promise à la flotte ? Pour les plus véloces des Class40, la ligne d’arrivée de The Transat CIC n’est plus qu’à 700 milles ; 70 milles séparent le Class40 Crédit Mutuel de Alla Grande Pirelli. Chez les IMOCA, confrontés au même scénario, il a fallu 11 heures à Boris Herrmann pour faire fondre son retard sur Yoann Richomme de 66 milles à… 13 milles.
Cet anticyclone est joueur : porteur de vents faibles, il se déplace pourtant rapidement vers l’est, et vient donc à la rencontre des monocoques de 40-pieds. Lorsque la rencontre se fera, la zone anticyclonique sera large de près de 300 milles ; les marins n’auront d’autre choix que s’y engouffrer. Un œil sur la cartographie, l’autre sur les nuages et le nez au vent, les solitaires se feront chasseurs de souffles, dénicheurs de risée.
Ambrogio Beccaria se méfie. Entre les deux hommes, le match est beau, mais il est incomplet. 10 milles derrière le Class40 Crédit Mutuel rôde Fabien Delahaye, qui lui aussi saura profiter de l’opportunité qui s’ouvre. Ian lui a concédé un peu de terrain, dans la nuit de samedi à dimanche : « Cette nuit, j’ai fait une pause de deux heures. J’ai eu un peu peur après qu’une vague est rentrée dans le bateau. Il allait très vite, mais je me suis dit que, si un surf se passait mal, je pouvais tout péter : le mât… J’ai perdu deux heures, et du terrain, mais c’est comme ça ».
Cet épisode malencontreux ne changera l’opinion d’Ambrogio Beccaria sur Ian, dont il a été l’équipier sur plusieurs événements à bord du Class40 Crédit Mutuel. Leader depuis samedi, le skipper italien commentait le jeu ainsi : « Je trouve que Ian prouve que c’est un grand champion. Il n’avait pas le bateau le plus rapide au reaching et, au final, il a fait toute la partie au reaching en tête. Son début de course est incroyable ». La fin de course le sera-t-elle aussi ? Être chasseur n’est pas une si mauvaise situation.