En ce mardi matin, après quatre cents milles de navigation sur le fleuve Saint-Laurent, dont deux cents à tirer des bords en cadence, le Class40 Crédit Mutuel se prépare à changer d’atmosphère, de degré de salinité des eaux, et peut-être de météo. Troisièmes au classement de 8h00, à 3,1 milles du bateau leader mené par Ambrogio Beccaria, Ian Lipinski, Antoine Carpentier et Benoît Hantzperg manœuvraient au bout de l’estuaire de Saint-Laurent, précisément dans le détroit de Honguedo, un couloir situé entre l’île d’Anticosti, au nord, et Gaspé, la capitale du comté de la Côte-de-Gaspé.
Ici, toutes les distances sont décuplées : l’estuaire du Saint-Laurent est le plus grand au monde ; le détroit de Honguedo est large de 40 milles dans sa partie la plus cintrée ; l’île d’Anticosti, classée au patrimoine mondial de l’Unesco pour sa géologie, à la surface de la Corse, mais elle n’héberge que 300 habitants permanents ; Puis vient le golfe du Saint-Laurent. D’ouest en est, près de 200 milles séparent Gaspé des côtes de Terre-Neuve-et–Labrador, île-plastron du Québec, 10e province de la confédération du Canada. Et, dans son nord-est, l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité d’outre-mer française aux dimensions bien plus modestes.
Après avoir navigué dans des eaux saumâtres au taux de salinité disparate, Ian Lipinski, Antoine Carpentier et Benoît Hantzperg vont donc retrouver la mer, l’océan Atlantique et un espace de jeux plus large. Encore 500 milles et ils échapperont aux influences du continent. En théorie, ils devraient progresser dans la zone où s’enroulent les dépressions venues du Groenland, mais la zone n’est pas si active actuellement. Une barrière anticyclonique semble s’établir entre deux systèmes qui circulent en sens inverse. De l’autre côté de cette barrière, le Class40 Crédit Mutuel sentira sur son tribord des vents portants d’un peu moins de 20 nœuds. Débridé, le monocoque rouge et blanc pourra enfin faire parler la poudre !