Ce lundi 15 juillet, le Class40 Crédit Mutuel a coupé la ligne d’arrivée de la Québec Saint-Malo à 17h35, prenant la 11e place de cette 10e édition qui aura proposé des schémas météo bien peu habituels. Pour Ian Lipinski, cette Transatlantique est la dernière course à bord du Class40 158. La fin d’une belle histoire, le début d’une autre.
Certes, le record de la traversée de Québec à Saint-Malo ne pouvait tomber puisqu’il appartient au Maxi-trimaran Spindrift 2 qui fit la traversée en 6j 1h 17 min en 2016, mais les 24 concurrents de la Class40 envisageaient tous ou presque de passer moins de douze jours en mer, compte tenu de l’excellence des performances de leurs monocoques de 40-pieds.
Finalement, le peloton de tête aura passé 15 jours sur l’eau pour rallier la cité corsaire dont était originaire Jacques Cartier, navigateur explorateur mandaté par François 1er pour partir à la découverte de ces terres septentrionales qu’il nommera Canada en 1534.
Partis de Québec le 1er juillet, Ian Lipinski, Antoine Carpentier et Benoît Hantzperg ont d’abord pris position en tête de course durant la longue descente du fleuve Saint-Laurent, 400 milles de navigation face aux courants de marée et aux bancs de sable. Toujours idéalement positionnés lors de la traversée du golfe de Saint-Laurent, à l’aise lorsqu’il s’est agi de glisser sous Terre-Neuve-et-Labrador, territoire canadien, et sous Saint-Pierre-et-Miquelon, terres françaises, les équipiers du Class40 Crédit Mutuel se sont engouffrés dans la voie nord avec un aéropage de sérieux candidats au podium, tandis qu’une grosse moitié de la flotte glissait vers le sud. Radicaux l’un comme l’autre, ces choix se justifiaient par l’absence des phénomènes dépressionnaires qui naissent régulièrement le Labrador pour glisser jusqu’aux côtes atlantiques de l’Hexagone.
Rapidement, les skippers du nord ont réalisé que le vent espéré ne surviendrait pas. Ils comptaient alors plus de 240 milles de retard sur les sudistes échappés lorsqu’ils adoptèrent une route plus méridionale, à la trajectoire tendue. Cueillie par une dépression, la flotte s’est ébrouée et a gagné du terrain pas à pas, tenant des vitesses record. Il s’en est fallu de 3 milles pour que le record de distance parcourue sur 24 heures en Class40 ne s’inscrive au palmarès du Class40 Crédit Mutuel. C’est finalement le tout neuf Sogestran – Seafrigo, piloté par Guillaume Pirouelle, qui signa la meilleure marque entre le 8 et le 9 juillet : 440,2 milles.
Loin d’être déclassé en performance, excellent dans le vent fort et la mer formée, le Class40 Crédit Mutuel n°158 faillit bien offrir à Ian Lipinski, Antoine Carpentier et Benoît Hantzperg une occasion assez inespérée de se mêler à la lutte pour le podium dans les deux derniers jours de course. À la pointe Bretagne, une dorsale anticyclonique régnait, qui préfigurait l’idée d’un possible regroupement collectif pour les 18 monocoques encore en course. Plus soutenus que prévu, les vents auront laissé passer les leaders du peloton, et favorisé la victoire d’Amarris devant Legallais et Vogue avec un Crohn. « Je suis content de finir cette course, déclare Ian Lipinski. Il y a de la déception, forcément, on est déçu du résultat et du déroulé de la course, mais on l’a digérée depuis un certain temps puisque la mauvaise décision, on l’a prise dès le début ».
La dernière danse du Class40 n°158
Pour Ian Lipinski, cette Transat Québec Saint-Malo gardera une saveur particulière : il s’agissait en effet de sa dernière course à bord du Class40 Crédit Mutuel n°158. : « Cela fait deux jours que je pense au fait que c’est la dernière danse avec ce bateau, le 158, en me disant que le fait qu’il s’agisse de notre dernière course ensemble, c’est vieillir un peu, sourit le skipper. Benoît (Hantzperg) m’a rassuré en me disant que ce n’est pas vieillir, mais grandir. Un bateau, c’est une phase de vie, et avec celui-ci, ça a été une belle tranche de vie ».
Mis à l’eau en 2019, il avait permis au skipper lorientais de remporter la Transat Jacques Vabre quelques semaines plus tard avec Adrien Hardy comme co-skipper. Au total, le marin et le bateau auront amoncelé 4 victoires, pour 11 podiums en 15 courses dans ce programme de quatre saisons partiellement tronqué par la crise sanitaire. Un palmarès hors du commun : « ‘Ordago’ a un joli palmarès, mais il symbolise surtout le changement de dynamique de la Class40. C’est une vraie histoire, une sacrée histoire qui s’arrête avec cette course », conclut le marin. Ian Lipinski n’aura pas le loisir de s’appesantir trop longtemps sur le passé : l’histoire du Class40 Crédit Mutuel se prolonge avec deuxième unité du programme : un monocoque de 40-pieds, 202e de la série, dessiné lui aussi par David Raison. Plus puissant, plus moderne, il permettra au marin de disposer de nouveaux atouts face à une concurrence de très haute volée. Cette nouvelle histoire débutera lors de la CIC Normandy Channel Race, qui s’élancera le 13 septembre prochain.