Ian Lipinski vous embarque dans son quotidien, au beau milieu de l’Atlantique, pour vous présenter ces personnages presque aussi importants qu’Antoine Carpentier, qui donnent de l’âme au Class40 Crédit Mutuel.
« Dédé est à la barre (il est bien Dédé, toujours concentré, comme tout bon pilote automatique), et Carpentier est ‘carpette’ à la bannette. J’en profite pour vous parler garde-robe.
À bord du Class40 Crédit Mutuel, on ne parle pas vulgairement de ‘A2’ ou de ‘A6’ ou même de ‘spi max’, ou toute autre définition technique de nos grandes voiles de portant. Ici, nous avons Babar, Bip-Bip et Pumba.
Explications. Babar, c’est le spi majestueux, un tantinet rondelet. Il s’exprime pleinement quand le bateau a besoin du maximum de puissance pour suivre le vent arrière au plus proche. Entre 8 et 16 nœuds environ, pour tirer des bords de portant, c’est Babar qu’il vous faut !
Mais si le vent monte, que le bateau se met à planer, que les surfs vous font accélérer, prenez plutôt Bip-Bip. Vous aurez moins la sensation de puissance, plutôt celle de la légèreté, de la vivacité. Le bateau devient plus léger, plus vivant. Vous pourrez jouer à la barre, faire des changements de direction rapides pour suivre les bonnes pentes, les bonnes vagues.
Enfin, si le vent ‘prend encore des tours’, il vous reste Pumba. C’est Boggi (Ambroggio Beccaria) qui lui avait trouvé ce nom. On naviguait ensemble sur le retour des Açores et, face à ce spi sans nom, il m’avait dit : « Ma come fai Ian che non hai trovato un nome per questo spi ? Io Credo che dovremmo chiamarlo Pumba* ! » 👌
En fait, Boggi avait dû le dire en français, qu’il parle très bien, mais j’aime bien l’italien. Et donc Pumba, le petit sanglier, est parfait justement pour les ‘bords de sanglier’. Quand les compteurs s’affolent, que le bateau part en survitesse à plus de 25 nœuds, ben c’est grâce à Pumba !
Depuis Lisbonne, nous avons dû passer de Babar à Bip-Bip une bonne dizaine de fois.
« Antoine ! »
« Quoi, qu’est-ce qu’il y a ? »
« Ben réveille-toi, là je pense que c’est Bip-Bip »
« Ah, ok ! Je me réveille, j’arrive ».
Et c’est parti pour le changement de spi. On vérifie que l’écoute est prête à filer, que le bout pour descendre la chaussette pour étouffer le spi en l’air n’est pas emmêlé. On prépare la drisse pour qu’elle file sans accroc. J’abats de 15° pour calmer le bateau. Sur la plage avant, Antoine descend la chaussette plus vite que l’éclair dès que j’ai lâché en grand l’écoute de la voile. Je cours à l’avant pour me mettre à la drisse. Antoine récupère l’amure du spi et la ramène au-dessus du bateau sans qu’elle ne tombe à l’eau car, sinon, ce serait embêtant de voir le spi chaluter et nous mettre en position périlleuse. On affale en grand le spi par le capot de la plage avant. On se met tous les deux à intervertir les trois points d’accroche de la voile affalée à la voile à renvoyer. Je renvoie la drisse en tête de mât pour hisser le spi pendant qu’Antoine s’occupe de l’amure. Je cours dans le cockpit pour gérer le bordé de spi pendant qu’Antoine hisse la chaussette pour que le spi puisse se gonfler. On remet le bateau au bon angle par rapport au vent, on règle les écoutes… « T’as vu, il est bien Bip-Bip… C’est mieux là, non ? »
Et il ne reste plus qu’à aller à l’intérieur du bateau pour plier Babar dans son sac, prêt à repartir dès que son heure viendra.
Pumba, malheureusement, n’a pas été de la partie pour le moment. Il attend patiemment son heure, bien « matossé » dans son sac. Mais quelque chose me dit qu’il pourrait être bientôt de la partie. Et quand Pumba est de la partie, c’est une bonne nouvelle pour nous… on croise les doigts !
J’adresse un grand merci à Rémi Aubrun, le papa de Bip-Bip, Babar et Pumba. Maître-voilier depuis… longtemps, Rémi nous a dessiné ces superbes voiles, fruit de toute son expérience et l’aboutissement de nombreux tests et essais. L’évolution de nos voiles est permanente, essayant de répondre au mieux aux spécificités de chaque bateau, de chaque skipper, et de chaque parcours de course. C’est un art que de trouver les bonnes formes, les bonnes surfaces, et cet art a un maître… c’est Rémi !
Bon début de journée à tous, je retourne voir Babar sur le pont ! »
* « Mais comment se fait-il que tu n’aies pas trouvé de nom pour ce spi ? Je pense que nous devrions l’appeler Pumba ! ».