Et si tout le monde se retrouvait côte à côte, dimanche, à la pointe Bretagne, pour une belle fête de famille ? Le moral enjoué, les gens du nord se mélangeraient au gars du sud, qui prendraient sur eux pour sourire, malgré le mauvais coup que leur aurait imposé la météo ; on rirait alors de ces vents foutraques, des fichiers erronés, de ces prévisions de Madame Irma qui ont rendu le jeu sublimement incertain. On ne festoierait pas beaucoup : après 14 jours d’une course qui devait durer en théorique 11 à 12 jours, personne n’aurait vraiment plus de quoi faire bombance, mais qu’importe.
À 500 milles de l’arrivée, un peu moins pour les leaders du sud, un peu plus pour les nordistes, tous les skippers savent que, d’ici quelques heures, ils se retrouveront à peu près dans le même moment à la pointe Bretagne – avec quels écarts ? – et qu’ils devront composer avec une dorsale anticyclonique pour rallier Saint-Malo.
Ce revirement de tendance est évidemment du goût de Ian Lipinski, Antoine Carpentier et Benoît Hantzperg, qui y voient l’occasion de gommer leur retard, établi à un peu plus de 60 milles ce samedi matin. Le skipper du Class40 Crédit Mutuel précise : « C’est un peu frustrant d’avoir choisi le mauvais côté au début de la Transat. On se trouve obligés d’inventer des coups pour tenter de rattraper… et ce n’est pas facile ! On croit encore à un renversement de situation, même si cela semble plus qu’incertain. Les prochaines heures vont se passer au vent de travers comme aujourd’hui. Tous les bateaux plus en arrière, comme nous, sont ramenés par une dépression qui nous rattrape par l’ouest. A contrario, les bateaux de devant buttent dans une bulle anticyclonique. Cela a pour effet de resserrer la flotte de manière plus ou moins spectaculaire. Il est fort probable que nous soyons extrêmement groupés en arrivant à la pointe Bretagne. Cela nous convient puisque nous avons du retard, d’autant plus que la Bretagne nord s’annonce avec des conditions de vent faiblardes. Qui sait ce qui pourra s’y passer ? Les coefficients de marée seront petits, mais il y aura quand même du courant… »
Pour Ian Lipinski et ses équipiers, puisque la performance est au rendez-vous, « L’ambiance est bonne ! On navigue dans des conditions plus praticables qu’il y a trois jours. On s’était alors fait bien secouer. On a battu le record de notre bateau sur 24 heures, au-delà du record qui était alors établi en Class40, mais Sogestran a fait au même moment, avec 3 milles de plus que nous et détient donc le nouveau record. Cependant, je suis content pour ma dernière course avec le 158 de lui avoir fait faire cela, pour sa « dernière danse » avec moi ! »
L’arrivée pourrait se juger ce lundi à Saint-Malo, possiblement dans l’après-midi. Il reste donc à endurer deux grosses journées de mer sur un Class40 Crédit Mutuel « qui va globalement bien, si l’on regarde ce qu’on lui a fait subir, sur cette course et l’ensemble des navigations ces dernières années. On en parlait tout à l’heure avec Benoît : le bateau aura fait 5 Transats en deux ans… et pas toujours sous-toilé ! »